mardi 22 mars 2011

18 Février 2011 – Histoires de Zanzibarites


Nous démarrons la visite de Stone Town sous un soleil de plomb.
La seule ville de Zanzibar est composée de deux parties.
Zanzi Town est la cité « moderne » avec ses immeubles datant de la révolution des années 60, dignes des barres d'HLM vétustes que je m'emploie à détruire en banlieue parisienne.
Stone Town est la cité historique, avec ses maisons bâties depuis 200 ans avec des pierres de corail recouvertes d'enduits, et ses légendaires et immenses portes sculptées.


Nous avons loué le service de Saïd pour qu'il nous explique l'histoire de sa ville.
La visite commence par le marché aux esclaves.
Au 19ème siècle, afin de développer le commerce de l'ivoire et assurer le transport des défenses venant d'Afrique centrale, l'affreux sultan d'Oman promettait le firmament aux porteurs, qu'il jetait en geôle à leur arrivée à Stone Town pour les revendre comme main d'oeuvre gratuite aux familles arabes de Zanzibar ou aux colons de la Réunion et de l'île Maurice.
Deux geôles ont été conservées et témoignent des conditions ignobles de détention, mais reflètent à peine l'absence d'humanité qui devait régner.

Ce moyen de production à moindre frais permit l'extension florissante des Zanzibarites comme marchands de clous de girofle et autres épices.

Sur l'ancienne fosse commune des esclaves, repose désormais l'église anglicane et ses témoignages de reconnaissance envers les vénérés abolitionnistes que furent Jonathan Livingstone et Edward Bishop.


Il est amusant de savoir que le clocher et le minaret tout proche sont de la même hauteur afin de ne froisser aucun hiérarque, et que malgré tous ses efforts d'évangélisation, la religion chrétienne n'atteint aujourd'hui que 2% de la population.
Les missionnaires anglais ont pourtant oeuvré à la latinisation de la langue swahili, autrefois écrite en arabe, et mis en place le premier dictionnaire anglais/swahili.

Classée au patrimoine mondial par l'Unesco, Stone Town tente péniblement de retrouver sa splendeur d'antan.
Les somptueuses maisons des marchands et maîtres d'esclaves ont été divisées en appartements lors de la révolution qui a chassé nombre des familles d'origine arabe.
Le gouvernement incapable de maintenir ce riche patrimoine a souvent laissé échapper les éléments majeurs de l'architecture zanzibarite aux mains d'exportateurs peu scrupuleux.
Aujourd'hui, les maisons sont peu à peu vendues à des privés assez fortunés pour racheter ces demeures coûteuses à restaurer.

Au même titre que les ryiads marocains, certaines demeures de Stone Town sont transformées en hébergements de luxe aux couleurs des Milles et Une Nuits, ou en résidence secondaire des familles omannaises revenues aux sources.


Toutefois pour les quelques portes en teck ou en bois de sésame qui ont été conservées, il est possible d'y relire l'histoire de l'île : chaînes sculptées sur les linteaux revendiquant la fierté de posséder des esclaves, têtes de lions pour la culture hindhouiste et pics pour simuler la défense contre les éléphants, fleurs de lotus symbolisant la perfection et parfois même un verset coranique.
Ces portes sculptées se devaient d'être représentatives du niveau social de ses propriétaires et constituaient l'élément primordial de la maison, qui était bâtie une fois la porte posée.


La medina est animée en ce jour férié, et nous atteignons le marché Darajani où explosent couleurs et odeurs. Les fruits exotiques disputent la vedette au marché de poissons et de viande hallal où plus d'un occidental tournerait de l'oeil.
Les étals de rambutans, d'ananas géants côtoient les appareils électroniques d'occasion et les réparateurs de bicyclettes.
Les marchands de tissus sont malheureusement disséminés au profit des boutiques de souvenirs, parfois made in China.

Nous déjeunons sur un toît de la Medina dans un hôtel restaurant installé dans une vieille demeure joliment rénovée.
Le cadre est magnifique mais le service est ultra « pole-pole » : 1h30 pour servir 4 salades...et se tromper dans la commande...

Fatigués par la chaleur pesante de la ville, les enfants sont ravis de découvrir un jardin d'épices. Il leur est expliqué très ludiquement comment poussent et sont transformées les arômes qui leur sont familiers mais dont ils ne connaissent pas toujours l'origine.
S'ils savent que les ananas poussent en terre et que la vanille est une plante grimpante, ils découvrent avec bonheur l'écorce de cannelle, les clous de girofle et la noix de muscade. Et participent même à la confection d'un panier en feuilles de palmier et de lunettes à base de feuilles d'ananas. Un vrai atelier nature au cœur de l'Océan Indien qui les passionne.


Cette première journée îlienne se termine par un plouf dans la piscine de notre hôtel.
En me couchant je me remémore l'explication donnée par notre guide zanzibarite pour la taille surélevée des lits traditionnels de cette île : afin de ne pas utiliser davantage de surface habitable pour stocker leurs esclaves, les maîtres ont fait rehausser leurs sommiers afin que l'ébène noir dorme en dessous et soit à portée de main en cas de besoin de toute nature.
Dans ces magnifiques lits à baldaquins, combien de touristes fortunés ont-ils conscience d'avoir achevé la boucle de l'histoire du commerce des épices et du bois d'ébène ?

2 commentaires:

  1. Tes recits sont absolument passionnants.
    Et je ne savais pas que les ananas poussaient en terre :-D

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  2. wow, moi non plus pour les ananas!!!!
    merci pour cette page de culture!!!!

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